“N’éteignez pas l’Esprit”

«C’est ce christianisme de paix, de routine, à constituer une vraie antithèse avec l’ascèse chrétienne qui nous devrions vivre et témoigner» (E. Fiorentino, Ascesi cristiana, 13).

Il y a de mots peut-être à effacer du dictionnaire chrétien.

 

  1. « Vous… nous… »

Ces sont les mots qui déclarent une distance, qui veulent marquer une alternative, qui agrègent dans une opposition. Ces sont de mots qui blessent ceux qui se sente interpeller avec « vous », parce qu’ils sont définis par une exclusion. Ces sont de mots qui cristallisent des positions dans la communauté, dans l’Église, dans les familles.

On déclare donc : « vous qui commandez » (en Curie, en Institut, en Paroisse, etc.) pour dire « nous, par contre », en déclarant ainsi qu’on n’est pas disposés à la cordialité d’un consentement, mais qu’on entend insister dans une désapprobation ; on déclare ainsi pour dénoncer une incompréhension.

On déclare : « vous, de la vieille garde », pour dire « nous, par contre », en déclarant l’intention d’une rupture, en introduisant l’innovation comme une contestation, les nouvelles (ou présumées) idées comme une urgence d’opposition entre blanc et noir, bien et mal.

On dit : « vous amies/amis de la telle » pour caractériser un groupe avec les fautes et les défauts d’une personne, pour attribuer la rigidité d’une idéologie à qui a la même sensibilité.

Le Seigneur conteste les habitants de Jérusalem qui disent : « Restez loin de Yahvé, c’est à nous que le pays fut donné en patrimoine » (Ez 11,15). Le Seigneur ensemence dans l’événement compliquée de l’histoire un nouveau début d’unité : « Alors je vous prendrai parmi les nations, je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai vers votre sol.    Et je vous donnerai un cœur nouveau » (Ez 36, 24-26). Le nouveau peuple naît d’une grâce de Dieu qui change le cœur et le rend capable de sentiments et de docilité, en gagnant la tentation de se raidir comme pierre dans l’insensibilité, dans le ressentiment, dans le formalisme qui dans le geste correct cache une décision sans appel.

 

2. “Désormais »

«Désormais» c’est le mot de la résignation, celle qui justifie l’inertie, celle qui se met devant la réalité avec l’attitude de qui s’y est adapté, même s’il ne renonce pas à se plaindre de ce qu’il le gêne et à déplorer ce qui ne correspond pas à ses expectatives.

«Désormais» c’est le mot de l’incrédulité: on croit que l’histoire ait déjà été écrite et que les résultats soient inévitables ; on n’attend pas que l’Esprit de Dieu puisse renouveler la terre; on ne croit pas qu’il y ait place pour la surprise: ce qu’il a été il sera, l’histoire se répète, c’est toujours la même chose.

«Désormais» c’est le mot qui décline la responsabilité : les gens sont celle qui sont et je n’ai rien à partager avec eux ; chacun rendra compte de ce qu’il fait, mais je ne peux rien faire.

L’apôtre conteste le peuple du « désormais » parce qu’il invite les chrétiens à se sentir responsables les uns envers les autres, à désirer que chacun se corrige, à être responsables de la situation de qui vit en communauté parce que chacun puisse joindre au but de la sainteté et de la joie. L’apôtre écrit: «Nous vous y engageons, frères, reprenez les désordonnés, encouragez les craintifs, soutenez les faibles, ayez de la patience envers tous» (1 Th 5,14).

L’apôtre conteste aussi celui qui vit au-dessous du signe du « désormais », en considérant sa condition comme irréversible, la saison de la nouveauté comme un passé irrécupérable, quand on dit : « Nous sommes vieux ; nous sommes d’une autre génération ; désormais nous sommes hors-jeu ». En effet l’apôtre propose une règle de vie qui n’est pas réservée à une catégorie de chrétiens, qui soient jeunes ou doués de qualités spéciales ou en position de responsabilité particulière. La règle de vie simple et au quelle on ne peut pas renoncer peut être formulée ainsi: «Restez toujours joyeux.  Priez sans cesse.  En toute condition soyez dans l’action de grâces. C’est la volonté de Dieu sur vous dans le Christ Jésus» (1 Th 5, 16-18).

 

3. “Allez-vous-en”.

«Allez-vous-en» c’est le mot qui exclut, ce de qui ne veut pas être dérangé et qui nie aux autres le droit d’entrer, de faire partie de la communauté, de se sentir accueilli. C’est la tentation des disciples de Jésus qui présument de savoir qui doit se rapprocher de Jésus et qui non et ils disent: «Allez-vous-en les enfants, vous qui vous ne comprenez pas, vous qui n’avez rien à demander, vous qui n’avez rien à donner».

«Allez-vous-en» c’est le mot qui défend ses propres préjugés et n’accepte pas l’étranger ; on n’accepte pas la nouveauté, on n’ouvre pas la porte, on ne se laisse pas mêler par ce qui est en train de changer. Parfois ce n’est pas un mot qu’on dit, mais une privation qui s’insinue, comme un mécontent comme une intolérance.

 

Jésus conteste les disciples animés par un zèle borné et il dit: «Laissez les petits enfants venir à moi, ne les empêchez pas» (Lc 18, 16).

Un Institut qui s’est donné le nom de « missionnaire » c’est la contestation de la fermeture, il inscrit dans son programme d’accueillir et d’aller là où le témoignage chrétien peut animer l’homme d’un espoir renouvelé.

Le souvenir de Ezia Fiorentino et la redécouverte de ses mots peuvent aider à effacer de notre dictionnaire les mots qui voudraient éteindre l’Esprit: «vous… nous, désormais, allez-vous-en».